lundi 12 septembre 2022

    Un récital qui fera date à Mers-les-Bains

 A l'occasion du vernissage de l'exposition consacrée à ses parents, Marthe Hamue et Gérald Collot à la médiathèque de Mers-les-Bains, Jean-Pierre Collot, pianiste international, a donné un récital qui restera dans les mémoires. 

Jean-Pierre Collot, pianiste international, habitué des grands festivals dans le monde entier, a donné un récital à l'occasion de l'exposition consacrée à ses parents, Marthe Hamue et Gérald Collot, à la médiathèque de Mers-les-Bains.

D'ici ce dimanche 18 septembre 2022, date de clôture de l'exposition consacrée à Marthe Hamue et à Gérald Collot à la médiathèque de Mers-les-Bains, il reste quelques jours pour découvrir cette exposition très souhaitée par Xavier Debeaurain. Une exposition qui a été marquée lors de son vernissage par un hommage au piano donné par le fils des deux artistes exposés, le pianiste international Jean-Pierre Collot. Et cet hommage s'est traduit par un récital d'un peu plus d'une heure de la part de ce concertiste habitué aux grandes scènes internationales, au répertoire contemporain, et qui a été ou est dirigé en tant que soliste par de très grands chefs d'orchestre, à l'instar de Pierre Boulez, Vladimir Jurowski, Kent Nagano, Emilio Pomarico (lauréat du Grand Prix du Disque en 1998 pour son enregistrement de l'intégrale de Jean Barraqué), Michael Wendeberg et bien d'autres encore.  

Le récital de Jean-Pierre Collot a été donné en hommage à ses parents, Marthe Hamue et Gérald Collot.

Le récital fut exceptionnel en raison du lieu, la médiathèque de Mers-les-Bains, mais aussi pour sa qualité, tant au niveau de la prestation du pianiste que du programme proposé. Exceptionnel car cet hommage fut un vrai récital. J'entends par là, que ce ne fut pas juste quelques minutes proposées au public. Non, le concert - gratuit pour les participants au vernissage -  était digne d'un passage sur les très nombreuses scènes internationales où JeanPierre Collot à l'habitude de se produire : Europe, Japon, Russie, Chine, Etats-Unis. Les mélomanes présents ont apprécié. 
Habitué à donner des programmes où le contemporain est très présent, avec en miroir, ses albums récompensés par de nombreux prix, il joue Schoenberg, Stockhausen, Dufourt, Barraqué, etc. 
Mais à Mers, Jean-Pierre Collot avait articulé son récital autour Claude Debussy, Hector Berlioz, Franz Liszt, Hughes Dufourt. Et, les spectateurs, dont le compositeur russe Valéry Arzoumanov qui réside à Eu, ont pu noter un jeu pianistique marqué par des contrastes, allant à de très beaux et sensibles pianissimi à d'extrêmes forte, puissants, voire violents, avec cette sécheresse d'attaque pour faire surgir un timbre percussif, quasi métallique dans sa frappe. Pour marquer un territoire sonore, spectral, notamment sur Hugues Dufourt avec "Meeresstille", n'hésitant pas à jouer avec de longues résonances dans l'extrême grave, là où le spectre décline ses harmoniques... Et ce, dans un silence propice à la concentration. 
Couverture des Préludes, 1er livre, de Debussy.

Enfin, et c'est un autre aspect du caractère exceptionnel de ce récital, ce fut la présentation de son programme créé et donné en hommage à ses parents. Car dans ce préambule et au-delà de l'habituelle "bio" des compositeurs qui seront joués, Jean-Pierre Collot a évoqué le lien très fort que pouvait avoir son père Gérald Collot avec la musique. Toutes les musiques. Il a souligné, explicité, les liens entre composition musicale et composition picturale. 
Un propos qui m'a interpellé. M'apportant des informations que je ne connaissais pas. Je pense notamment à ses remarques sur les titres ou plutôt absence de titres, cette mise en parenthèses de Debussy dans les Livres I et II
Et cette analyse personnelle, ces liens entre musique et peinture, cette réflexion sur les formes, m'ont passionné. Au point que j'ai tenu à les retranscrire dans leur caractère oral, sans les réécrire. Je me dis que les amateurs qui aiment autant la musique, la peinture, les sculptures, pourraient-être intéressés par ce regard musical sur les formes, sur leurs contrepoints visuels.  

Réflexion sur le timbre

Jean-Pierre Collot : "Quelques mots sur le choix des pièces de ce soir. qui sont un peu éloignées de mon répertoire habituel, quoique, il y a très clairement une inspiration de l'enfance - je crois que cela a été très bien évoqué par ma soeur Emmanuelle - une enfance très inspirante, très, très riche. Et "Children's Corner" de Debussy fait référence à ceci, de même que "Weihnachtsbaum", le cycle totalement expérimental de  de Franz Liszt qu'il a écrit à la fin de sa vie. 

"Pourquoi Debussy de façon générale ?  D'abord, il était évident par rapport à l'oeuvre de mes deux parents que Debussy devait-être présent. Car comme souvent les compositeurs français comme  Debussy en tout cas, et Messiaen, puis beaucoup d'autres, Ravel également - quoiqu'une toute autre façon - c'est une musique qui parle des éléments, qui parle de l'air, qui parle de l'eau, qui parle du vent, et c'est une musique qui sous ses dehors pas encore complètement abstraits est en fait une musique totalement expérimentale et totalement abstraite. Aussi abstraite qu'une oeuvre de Jean Barraqué. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si des gens comme Pierre Boulez, Barraqué, ont énormément appris de Debussy. 
Jean-Pierre Collot a joué dans un silence propice à la concentration.
Mon approche à moi de Debussy, c'est quand on ouvre une porte, on ouvre sur un infini. Avec Debussy, on n'a jamais fini. Ca m'a mené à une réflexion sur le timbre, qui touche aussi la peinture et qui est très importante pour moi? Cela a pris le chemin d'une expérience pratique mais aussi d'une recherche théorique sur les rapports entre le timbre et la couleur et ensuite sur la représentation de l'espace en musique. Et en particulier de l'espace intérieur. 
Qu'est-ce un pianissimo pour un pianiste ? qu'est-ce qu'un piano ? Comment on se le représente ? Et de quelle façon cela structure l'interprétation ? Et quand je dis structurer l'interprétation, cela est bien plus vaste que ça, en fait. C'est comme si chaque nuance était un espace qui s'ouvre. Cela a conduit au projet "Barraqué". C'est d'ailleurs pour ça que j'ai une fascination pour Jean Barraqué parce que sa sonate est une oeuvre écrite par un tout jeune homme, qui avait 24 ans quand la sonate a été achevée et ensuite il n'a plus rien écrit pour le piano solo. Et on trouve des expériences sur des nuances dans les nuances. Et cela est extraordinaire ! 
Comme je parlais d'espace, pour une nuance, vous trouvez des espaces qui s'ouvrent dans un espace, dans une autre dimension. L'interprète doit trouver une solution pour exprimer ça. C'est pour ça que je l'ai appelé "Espaces Imaginaires", c'est-à-dire, le titre du CD consacré à Barraqué. Mais en fait, tout ça, on l'a dans Debussy déjà, comme on l'a chez Olivier Messiaen et on l'a aussi dans Liszt, le Liszt expérimental. 

Le rapport au titre

Il y a aussi une autre chose en rapport  avec les tableaux, les objets de l'exposition que vous voyez autour de vous, c'est le rapport au titre.  Dans le prélude, comme dans le second (Livre I et II de Debussy, ndlr) vous n'avez pas de titre au-dessus de chaque morceau. Vous avez un titre comme une proposition entre parenthèse après trois points, C'est à dire que le premier Prélude ne s'appelle pas, vous n'avez pas en exergue au-dessus des notes "danseuse de Delphes", vous avez la musique et à la fin vous avez entre parenthèses trois points, danseuse de Delphes, fermer  la parenthèse. C'est valable pour tous les Préludes de Debussy. Tous sont écrits comme ça : parenthèses, trois points. C'est vraiment une proposition. Debussy ne voulait rien imposer. 








"Le Prélude est l'avant propos éternel d'un propos qui n'adviendra jamais"


D'ailleurs, j'ai hésité aussi parce que pour Children's Corner, je préfère que vous ne lisiez pas les titres les uns après les autres. Car Children's Corner, pour moi, ça parle ce que j'ai évoqué, ça parle d'eau, d'espace, d'air, de fluide, de vent.. Et en fait, c'est un véritable laboratoire de timbres, un laboratoire musical. Et donc, évidemment, le rapport à la peinture, il est là. Vous avez des titres sous chaque tableau, ces titres, je vous invite à les lire après. Ce ne sont jamais des pléonasmes, et quelques fois ils sont très éclairants mais je crois qu'une oeuvre comme les Préludes de Debussy se vit et s'expérimente en direct. 
Pour finir avec Debussy, il y a une très belle expression de Vladimir Jankelevitch qui va un petit peu dans ce sens là aussi. Pour lui, le prélude, en général - et c'est une très belle formulation - "Le Prélude est l'avant propos éternel d'un propos qui n'adviendra jamais".  C'est comme une invitation à aller quelque part sans jamais y conduire. Même chose pour les tableaux. 
La présence de Berlioz maintenants était évidente, pour nous enfants, moi en particulier. mes deux parents peignaient en écoutant de la musique, pas toujours, bien évidemment. J'ai toujours entendu, en tout cas souvent de la musique, et toutes sortes de musique dans l'atelier de mes parents.  Chez les deux on trouve des traces de musique, chez mon père en particulier, c'est très, très fort. 
Il y a toute une séries d'oeuvres qui sont assez bien représentées ici et qui font références à des oeuvres musicales ou à des formes musicales. Mon père, en effet, a hésité entre une carrière de peintre ou de compositeur.  

Génération Boulez, Stockhausen

Il y avait chez lui tous les livres, il est de la même génération que Boulez et Stockhausen - il est né exactement deux ans après Boulez, un an avant Stockhausen -  et il y avait chez lui tous les ouvrages d'initiation à la musique dodécaphonique que l'on pouvait se procurer à l'époque (NDLR : vraisemblablement l'incontournable livre de René Leibowitz "Introduction à la musique de douze sons" et je suppose des textes et ouvrages d'Arnold Schoenberg).
En tout cas, ce n'était pas spécialement la musique moderne, Messiaen était très important, il y a beaucoup d'oeuvres en hommage à Messiaen et en particulier à l'oeuvre d'orgue de Messiaen, dont un grand format qui s'appelle "Les corps glorieux". 
Et un autre compositeur très important était Berlioz. Pourquoi Berlioz ?  
Gérald Collot. Après la pluie. Contrepoint. 2004.
On le devine dans des couleurs fauves, dans des couleurs, des timbres très, très affirmés, le côté cuivré, le côté extrêmement coloré de la musique de Berlioz, et surtout je crois aussi d'un point de vue structurel. Le côté totalement imprévisible de Berlioz le fascinait complètement. 
C'est-à-dire, on entend une mesure de Berlioz, et contrairement à d'autres compositeurs magnifiques aussi, on ne peut jamais prévoir ce qu'on va entendre dans la mesure suivante. Berlioz devait-être dans le programme et j'ai choisi une petite transcription de Franz Liszt  et qui est très intéressante car on y trouve une problématique à la Barraqué, de nuances dans la nuance... 

Disons que vous avez un immense mouvement qui s'appelle "La marche des pèlerins", c'est extrait de Harold en Italie, la symphonie écrite en 1834 pour Alto et Orchestre et vous avez cette Marche des pèlerins qui sont des gens qui marmonnent des prières, vous les entendez et vous les voyez de loin, ils passent devant vous et ils disparaissent, le tout ponctué par des borborygmes, des murmures, des prières à voix basse, des cloches... C'est quelque chose de totalement surréaliste. 

Contrepoint


Vous avez entendu du premier livre de Debussy "Des pas sur la neige", d'ailleurs, mon père a consacré une toile, format carré, on a trouvé ça dans les ateliers, deux mêmes formats, un qui s'appelle "des pas sous la neige", l'autre "jardin sous la pluie". 
Et ici, dans l'exposition, vous avez un contrepoint - les contrepoints font partie de ses oeuvres inspirées par la musique mais qui sont bien plus que des transpositions en musique en peinture. 

Contrepoint 15 - Ce qu'a vu le vent d'Ouest - Hommage à Debussy. 2005, Gérald Collot. 
Ce contrepoint là, dans les tons bleus et blancs avec des espèces de neumes qui forment une espèce de trame rythmique, pas toujours de même profondeur, et qui s'appelle "ce qu'a vu le vent d'Ouest". Il y a beaucoup d'oeuvres très souvent très subtiles. Il y en a une, par exemple, dans les blancs et jaunes avec de très subtiles variations et qui s'appelle "dans une brume doucement sonore, hommage à Debussy",  et c'est d'ailleurs l'indication qui est en exergue du prélude de "La cathédrale engloutie" que je vais jouer en dernier. 

Amplification des "Pas sur la neige"

Prélude et fugue en Si mineur de Gérald Collot , 2004-2007.

(...)  Un compositeur qui m'est très proche et auquel j'ai consacré un CD, Hugues Dufourt, compositeur spectral,  et qui a consacré un cycle d'oeuvres pour piano d'après des lieder de Schubert. Vous avez "Rastlose Liebe",  "Meeresstille", "Erlkönig" que j'ai rajouté sur le CD pour des raisons historiques, car après le roi des AulnesErkönig est le fondement du lied et il est très important pour Hugues Dufourt qui est également un philosophe. Mais un philosophe dont la sensibilité est absolument surprenante, une sensibilité à fleur de peau, en particulier dans ce "Meeresstille" qui est une espèce de grande amplification "des pas sur la neige".  
Et ce qui n'est pas sans rapport avec certaines oeuvres qui sont présentées ici, soit les tentures, soit les séquentiels ou les claires-voies, les séquentiels qui pendent, vous avez trois petits objets bleu nuit, noir et blanc,  qui pendent juste là dans le couloir...
En tout cas cette oeuvre de Dufourt, c'est une oeuvre qui est pour moi magique d'un côté sonore. Elle peut aussi s'apprécier les yeux fermés parce que c'est une invitation au voyage."   

Je reprends la main. Je sais, ce n'est pas très journalistique de laisser les paroles brutes ainsi, et qui plus est dans un tel long propos. Mais cette réflexion m'intéresse, je la souhaitais telle quelle, sans la pression d'un rédacteur en chef qui, très vraisemblablement, m'aurait gourmandé sinon blâmé.  
Didier DEBRIL

1 : Lire le résumé du parcours de Jean-Pierre Collot que je lui avais consacré dans l'annonce de son récital. 
2: Désolé pour le soulignement d'une partie du texte. Une commande a dû s'activer et malgré tous mes efforts, pas moyen de faire disparaître cette sélection en blanc et soulignement. Cela fait partie des mystères de l'informatique...

lundi 22 août 2022

 Jean-Pierre Collot en récital à la médiathèque de Mers-les-Bains

Le pianiste international donnera samedi 27 août 2022 un récital exceptionnel à 19h30 lors  du vernissage de l'exposition de Marthe Hamue et Gérald Collot




Jean-Pierre Collot proposera un récital articulé autour de Berlioz, Listz et Debussy.  Son répertoire intègre aussi la musique contemporaine, de Barraqué à Stockhausen, et de compositeurs actuels.  


A l'occasion du vernissage de l'exposition de Marthe Hamue et Gérald Collot qui aura lieu dès 18h30 à la Médiathèque de Mers-les-Bains, celle-ci proposera une suite inédite en musique avec le récital du pianiste international Jean-Pierre Collot, fils par ailleurs des artistes. Initialement, il avait été évoqué un concert autour de Jean Barraqué dont Jean-Pierre Collot est un fin connaisseur (1) et qui, de par l'extrême rareté d'une telle proposition autour des oeuvres pour piano de Jean Barraqué dans nos provinces, m'avait enthousiasmé. La perspective d'entendre en concert "les Espaces Pianistiques de Jean Barraqué" avec notamment la "Sonate pour piano" (1951 -1952), oeuvre manifeste du sérialisme intégral aurait complété ma lecture des "Ecrits" de Jean Barraqué publié par la Sorbonne / Série Esthétique N°3 et complété mon intérêt pour ses "Séries Proliférantes" (2).  
Mais cet intérêt d'esthète pour la musique dodécaphonique - Webern notamment - et sérielle avec Jean Barraqué, Pierre Boulez, Luigi Nono, Milton Babbit, etc. n'aurait pas été forcément partagé par un public vraisemblablement peu au fait de l'ascèse de l'architecture sérielle - mais tellement épurée. De toute façon, ce programme articulé autour de Berlioz, Listz et Debussy devrait séduire, en regard de la notoriété du concertiste Jean-Pierre Collot,  les mélomanes présents.  

Notoriété internationale donc pour Jean-Pierre Collot qui a étudié le piano au Conservatoire de Paris avec Jean-Claude Pennetier, Christian Ivaldi et Jean Koerner, et avec la satisfaction de collectionner les premiers prix de piano, de musique de chambre et d’accompagnement. Son intérêt pour la musique contemporaine du XXe siècle se traduit par un répertoire autour de Karlheinz  Stockhausen allant des Klavierstückes I à XI, Mantra, Kontakte. Il a créé aussi des oeuvres de compositeurs comme Jean-Luc Hervé, Brice Pauset, José-Manuel Lopez, Gérard Pesson et Jacques Lenot. Concertiste, il intègre aussi des ensembles plus que reconnus comme 2e2m, TM+, FA et le non moins prestigieux Ensemble Intercontemporain (2), dans l'Ensemble Instant. Jean-Pierre Collot, avec tel un pédigrée artistique, il est invité dans les festivals internationaux, à l'instar de Présences, Festival d'automne de Paris, Musica, Hörgänge à Vienne, Nuove Sincronie, à la Fondation Gulbenkian, à la Biennale de Venise
Bref, comme le soulignerait les plus jeunes, la venue de Jean-Pierre Collot à Mers-les-Bains, "c'est du lourd !"

(1) : lire l'excellent article de ResMusica sur "Les espaces pianistiques" de Jean Barraqué par Jean-Pierre Collot.  



Les séries proliférantes de Jean-Barraqué analysées avec Opusmodus

L'idée, à partir d'un script d'Opusmodus, de créer en utilisant la technique de Jean Barraqué des nouvelles séries proliférantes et notamment à partir des séries d'Anton Webern. Le résultat, visuellement avec les graphes d'OPMO, est très intéressant. 

Initialement, j'avais travaillé à la demande de l'Ircam sur un projet d'analyse de l'Opus 22 d'Anton Webern avec le logiciel de Composition Assistée par Ordinateur (CAO) Open Music, pour une publication regroupant plusieurs participants sur l'analyse musicale avec Open Music (OM) dans la collection "The Om Composer's Book"de l'Ircam. Cela m'avait donné la possibilité d'être en relation avec le musicien, compositeur et chercheur Mikhail Malt qui était mon référant à l'institut. Et de proposer une série de patchs pour identifier les séries de l'OP22 qui s'imbriquent, s'interpénètrent. Malheureusement, ce projet de publication n'a pas recueilli assez de propositions pour se concrétiser.   Et ce, même après une reprise récente du projet par Jean Bresson, ce dernier n'a pas recueilli assez de communications pour une sortie en livre imprimé.  Mais cela m'a amené à travailler l'analyse musicale, voire l'analyse computationnelle avec Open Music puis par la suite en adaptant ce travail avec Opusmodus (OPMO), puissant logiciel de composition assistée par ordinateur (CAO) créé par Janusz Podrazik.  

Graphe représentant les intervalles d'une série proliférante de Jean Barraqué avec une analyse via le logiciel de Composition Assistée par Ordinateur (CAO), Opusmodus. 


Et il y a un an, en 2021, un des membres sur le forum d'Opusmodus avait publié un script permettant de créer ou recréer les séries proliférantes de Jean-Barraqué. Un script inventif en Lisp et l'idée m'est venue de reprendre son script et de créer de nouvelles séries proliférantes à partir des séries dodécaphoniques d'Anton Webern. Et de vérifier leurs comportements avec les graphes d'OPMO. 

Script en Lisp dans Opusmodus pour créer les séries Proliférantes de Jean Barraqué
.
Le PDF peut se télécharger ici : 
Mais le PDF est en anglais, et très certainement en mauvais anglais, il faut que je le réadapte en français. 


vendredi 29 novembre 2013

Le forum de l'Ircam fête ses vingt ans


Au début du forum, les membres recevaient les programmes par disquette. Ci-dessus, Patchwork 2.0 du 16 décembre 1993, avec l'envoi du 17 janvier 1994 des librairies Chant-Interpol v.1.O, Situation v 1.0, Csound/Edit-sco v 1.1, Midi-Files v 1.01; Patchwork 2.1 et ses librairies étaient envoyées dès le 27 juin 1994 tandis qu'on recevait KANT Editor 1.0 à partir du 22 novembre 1994. 
Le Forum de l'Ircam fête ses 20 ans d'existence. Créé en 1993, ce forum qui permettait de travailler avec des logiciels développés par l'Ircam - et de se former lors de stages à l'Institut - donnait aussi la possibilité d'établir un lien avec l'Ircam. Pour ma part, ayant eu la chance de suivre le stage de 40 jours durant l'été 1981, ce fut pour moi qui travaillait en province en tant que journaliste l'occasion de rompre un isolement par rapport à l'informatique musicale.
A l'époque, dès 1993, je fus très intéressé par les possibilités qu'offrait Patchwork, qui avec son interface très austère avec ses petites boîtes qu'on connectait entre elles permettre d'effectuer toute une série de calculs en amont du travail de composition. Patchwork avait un côté fascinant de par sa faculté au travers de la manipulation des nombres de créer après des conversions des hauteurs, des durées, des dynamiques, de structurer la musique, d'explorer l'aléatoire voire la musique algorithmique.
Avec le CD-rom, la diffusion auprès des membres du forum propose une offre logicielle plus importante, plus diversifiée dans la mesure  où l'informatique musicale connaît un développement important à l'Ircam. 







































         L'arrivée du Cd-rom conjointement au développement de l'informatique musicale permit à l'Ircam d'effectuer des distributions plus importantes. Pour ma part, trois logiciels retenaient mon attention, il s'agissait de Patchwork, AudioSculpt et Max qui tout au début était distribué par l'Ircam et Opcode. Et comme on peut le voir, ci-dessus, Max dès 1997, avec la création de Cycling 74 par David Zicarelli s'ouvrait sur l'audio avec ses objets "MSP".  On note aussi dans les différentes distributions le groupe "Temps Réel". A l'époque, pour beaucoup de membres qui travaillaient chez eux, le temps réel concernant la synthèse était encore inaccessible, mais c'était un espoir. Vincent Puig, fondateur avec Andrew Gerzso du Forum, et Arshia Cont évoquent cette période et abordent aussi l'avenir dans l'entretien "Les origines du Forum et quelques perspectives" qu'ils ont donné à Paola Palumbo - que les membres connaissent bien pour sa gestion efficace des abonnements.
Aujourd'hui, le ForumNet de l'Ircam s'ouvre à un plus grand nombre via une diversification de ses abonnements annuels. Ainsi, celui qui donne accès au téléchargement de tous les logiciels, l'abonnement Premium n'est que de 200 € (180 € pour les abonnés lors du renouvellement de l'adhésion) mais les utilisateurs peuvent choisir séparément le logiciel avec lequel ils comptent travailler. De même, faut-il le rappeler, le soft "phare" de l'Ircam au niveau de la composition assistée par ordinateur, le successeur de Patchwork, Open Music est distribué gratuitement par l'Ircam.









vendredi 22 avril 2011

Disparition de Max V. Mathews


La nouvelle du décès de Max V. Mathews ne fera certainement pas la Une des grands médias mais peut-être qu'elle touchera tous ceux qui font de la musique sur ordinateur. Max V. Mathews que d'aucuns considère comme étant l'un des pères fondateurs de la musique sur ordinateur - cette nouvelle lutherie - est décédé aujourd'hui le 22 avril. En attendant que je fasse un papier plus complet sur les nouvelles Chroniques de la Mao sur l'importance de ce chercheur/créateur, voici un très court extrait (couverture et table des matières) de son livre  The Technology of Computer Music qu'il avait écrit avec la collaboration de Joan E. Miller, F.R. Moore, J.R. Pierce et Jean-Claude Risset. Edité par le M.I.T. Press (Masschusetts Institute of Technology) en 1969, cet ouvrage fondamental avait été à nouveau imprimé en 1974 et en 1977. C'est une bible.
Rappelons qu'il est à l'origine de la série des Music I à 10 qui était déjà un environnement modulaire pour travailler sur ordinateur. J'ai eu l'occasion de travailler en 1981 sur la version de l'Ircam, Music 10, et j'en garde encore aujourd'hui un souvenir nostalgique. Rappelons aussi que c'est Csound qui a repris le flambeau.
Quand Jean-Claude Risset avait reçu la médaille d'Or du CNRS, il avait fait un long discours où il avait évoqué son travail auprès de Max V. Mathews. Lisez-le, c'est passionnant.
Sinon, concernant la vidéo, il utilise le Radio Baton Max Mathewsqui est autant un instrument de musique qu'un contrôleur. Il peut être utilisé autour de différentes applications. Il y a une excellente explication dans ce pdf.

mercredi 6 avril 2011

Touch de Morton Subotnick

Chroniques CD : Touch  Morton Subotnick, 1969, Part I 14'52; Part II 15'26.  


C'est virtuose et ça date de 1969, maîtrise des objets sonores percussifs,  cette polyrythmie avec une note tenue pas totalement identifiable, qui pourrait être jouée par un cuivre mais qui prend de la consistance, et s'identifie avec le découpage de l'enveloppe en note électronique synthétique. Le résultat est étonnant et prouve pour cet enregistrement de 1969 la maîtrise de Morton Subotnick de sa musique. 
L'introduction de la seconde partie de Touch est aussi virtuose. Là où il y avait luxuriance de timbres, de rythmes s'interpénétrant, Morton Subotnick joue sur les silences, les intensités, les dynamiques. Il faut se concentrer pour saisir les infimes variations, subtiles, légères, délicates, évanescentes du jeu de Subotnick. 
Tel que je l'écoute, sur une vraie chaîne hifi, à tubes, Touch m'apparaît comme utilisant en partie la grammaire, le langage de l'électroacoustique. Le final, tel un choeur s'estompe doucement, se dissous de lui-même. Les deux parties de Touch indique Morton Subotnick dans ses notes, ont été entièrement réalisées à l'origine avec le synthétiseur analogique créé par Don Buchla en 1963, le Buchla serie 100. Avec toutefois, une exception, il y a une voix de femme qui lit trois syllabes t-ou-ch dans différentes parties de la pièce. Ainsi, dans la première partie la lecture est rapide, lente et rapide (fast-slow-fast) et la structure est inversée dans la partie 2 où elle lente-rapide-lente (slow-fast-slow. 
Touch, indiquent les notes du CD,  a été enregistré sur un magnétophone à 4 pistes alors qu'il venait d'émigrer chez Colombia/CBS  (où étaient Bob Dylan et Miles Davis) afin d'être diffusé en quadriphonie. Et il s'est vendu quand même à 40000 exemplaires. 
On retrouve Touch sur deux albums, Morton Subotnick avec aussi Silver Apples of the Moon sur lequel je reviendrai et The Wild Bull, le second CD comprend aussi Jacob's Room.
                                                                                                               Didier Debril

PS : J'ai eu la chance de rencontrer Morton Subotnick en 1981 à l'Ircam lors du stage d'été de 40 jours. Morton nous avait présenté son Buchla et montré sa création qu'il préparait sur la 4 C, Ascent to Air.  Elle a été créée par l'Ensemble Intercontemporain, dirigé par Peter Eötvos,  dans l'espace de projection de l'Ircam le 18 janvier 1982. Ascent to Air est une oeuvre pour dix instrumentistes et bande.
Ce jour là, j'ai immortalisé cette rencontre en photographiant Morton Subotnick. Les photos sont ici. Morton Subotnick a repris le lien, d'ailleurs, "Morton Subotnick at IRCAM (1979-1981)" sur son site (http://www.mortonsubotnick.com/viewing.html), dans le bas de la page consacrée aux archives photos et vidéos, entre "Parades & Changes" et "Morton Subotnick's Jacob's Room". Pour la petite histoire, quand j'avais vu le Buchla de Morton Subotnick j'avais été très impressionné. Et je m'étais dit qu'un jour j'aurais un synthétiseur de Don Buchla. Trente ans plus tard, j'ai réalisé mon rêve. 
       
Ma discographie de Morton Subotnick :
Silver Apples of the Moon Parts A & B, 1967
The Wild Bull, Parts A & B, 1968.
Ed. Wergo

Touch, Parts I & II, 1969
Jacobs' Room, Parts I & II, 1986.
avec Joan La Barbara (soprano), Erika Duke (cello).
Ed. Wergo

Electronic Works I
Touch for 4-channel Tape , 1969
A Sky of Cloudless Sulphur, for 8-channel tape, 1978
Opening
Dance
Gestures : It Begins with Colors, 1999-2001
Joan La Barbara, Voice
Mode Record

Electronics Works Vol. 2
Slidewinder, for 4 channel-tape
Side One & side two, 1971
UntilSpring, for 4-channel tape
Side One & Side two, 1975
Mode Record

The Key to song, 1985
Retour - a triumph of reason, 1986
Realized on the Yamaha Computer.  Assisted Music System : YCAMS
New Albion Records

And the Butterflies Begin to Sing
for String Quartet, bass, Midi Keyboard, and Computer, 1988
New World Records

Un DVD Morton Subotnick
Sidewinder
Until Spring

Notes d'écoute prises sur le vif :

Je préfère "Touch" plutôt que Silver Touch, avec sa sonorité de bois (plus marimba que xylophone) plutôt que métallique est réellement virtuose dans ses deux parties. Plus diversifié aussi dans son développement, tant dans la diversité des timbres que des dynamiques, des durées (8'; 9' avec une lente évolution allant vers une sonorité presque cuivrée) et qui débouche sur une polyrithmie très variée sous, encore cette note évolutive très cuivrée. Impressionnant. 
J'adore l'introduction de la partie 2, simple en apparence, mais avec un rendu superbe. Là aussi, Morton Subotnick joue sur un développement très subtil, comme avec une écriture orchestrale  jouant sur les subtilités timbrales autant que sur les dynamiques. Il faut prêter l'oreille, tout est en finesse. 7'30, comme des percussions qui vont de plus en plus  vers la prolifération, pour atteindre cette polyrythmie qui prend son élan ver 9'30 - interrompu des variations autour des voyelles Touch -  pour aboutir à une sorte d'apothéose rythmique. 

J'aime "Jacob's Room" avec Erika Duke (violoncelle) et Joan La Barbara (soprano).

J'ai eu plus de mal avec Silver Apples of the Moon mais j'ai appris à l'aimer. En fait, j'ai trouvé, c'est le début de la première partie que je n'aime pas trop. Car trop, comment dire FX. Il y a de bonnes choses, bien entendu mais je le trouve moins abouti - c'est une façon de parler - par rapport à Touch. Ou plutôt moins composé. Mais il est vrai aussi qu'il est antérieur à Touch. Silver Apples of the Moon date de 1967 tandis que Touch date de 1969. Il est vrai aussi que dans la première partie, vers 8', on retrouve un développement qui m'intéresse plus, sur un tempo lent, un jeu, une évolution de timbres différents Prélude peut-être à Touch ? Ou peut-être à The Wild Bull.
Mais tout dépend comment on voit le Buchla, sa façon de composer avec. Pour ma part, j'aime que la musique électronique puisse avoir des diversités de timbres (continus, percussifs, boisés, métalliques), qu'il soit comme un orchestre avec des dynamiques, et que cette diversité soit orchestrée. 
Il y a dans la seconde partie de Silver Apples of the Moon, un rythme assez jouissif, primal, comme une sorte de bachanale. Vers 6-7' avec en contrepoint la montée en fréquences. D'aillleurs, quand elle s'arrête, elle fait place aux rythmes, avec des notes en sorte de riffs. 

The Wild Bulll est intéressant, très différent. Dans la part 1, Vers 5', avec ce travail sur ce timbre très doucereux, comme une sorte d'orgue, puis cette basse qui impulse le rythme avec en contrepoint un développement quasi jazzistique, c'est très intéressant. 


lundi 28 février 2011

Rythme, Chant et tactile




Je continue ma découverte de mon Buchla système #5. Et  jour après jour, je prends conscience de la puissance de ce synthétiseur. Pour la découvrir, il faut être patient, méthodique, et explorer. Je retrouve quelque part la diversité offerte par mon ancien EMS Synthi Aks que j'ai eu durant 15 ans. Je l'avais acheté à André Stordeur juste après notre sortie du stage à l'Ircam durant l'été 1981. André quittait Bruxelles afin de rejoindre l'équipe de Morton Subotnick. Ce dernier travaillait sur sa pièce Ascent to Air pour la station musicale 4C puis  4X de l'institut et il nous avait expliqué son travail en cours et montré son Buchla. Je me souviens d'avoir été fasciné par la beauté de cette machine. Et sans m'en rendre compte, ce Buchla était bien présent dans ma mémoire. Il fit l'objet avec Mortons Subotnick  d'un de mes premiers sujets pour les Chroniques de la Mao avec les photos que j'avais prises à l'Ircam de cet instant précieux.  D'ailleurs, intense satisfaction quelque part, Morton Subotnick, dans sa rubrique Photos de son site fait un lien sur les Chroniques de la Mao. J'ai dû être à l'époque le seul à avoir pris ces photos.

Trente ans plus tard, j'ai investi dans un Buchla et Morton Subotnick est toujours bien présent musicalement. Il a participé récemment au Transmediale 2011 et il y a cette vidéo/interview reprise par MatrixSynth à partir du site Mother Board dans ses chroniques Electric-Independence où il y a d'excellentes choses à découvrir. On voit Morton Subotnick chez lui et comme sur la vidéo de sa performance au Transmediale, on se rend compte qu'il travaille chez lui avec un système Buchla et Ableton Live. Dans le cadre de son concert au Transmediale, je m'étais dit qu'il devait lancer ses samples avec la fonction Launch et effectivement, sur le très bref plan sur Ableton Live, on aperçoit distinctement la disposition de ses échantillons et en bas la fenêtre pour programmer leurs déclenchements. Sinon, les quelques notes d'introduction que l'on peut entendre au début de l'interview vont dans le sens de l'esthétique que je recherche.

J'ai toujour pensé qu'Ableton Live - et plus encore avec l'intégration de Max Msp - était pour les compositeurs de musique électronique contemporaine un fabuleux outil. Morton Subotnick me renforce dans cet esprit. Sinon, pour revenir à la découverte de système Buchla, j'ai continué à explorer les possibilités offertes par le module 285e, le Frequency Shifter et dans sa fonction Balanced Modulator à partir d'un patch relativement simple et utilisant le 222e, le Multi-Dimensional Kinesthectic Input Model, en un mot la surface tactile programmable. Cette dernière est  un outil vraiment fantastique avec ses différentes touches. Les principales peuvent être programmées selon différents critères, dont un accordage sur sur chacune d'entre elles très précis - il faut que j'explore la microtonalité - et avec des déclenchements différents selon les choix retenus : pression, glissement, enclenchement, position. Les touches du haut peuvent être affectées à des procédures particulières comme le lancement et l'arrêt du séquenceur tandis que les deux moyennes surfaces, à gauche et à droite, tout en bas, permettent là aussi une programmation de déclenchement combinant plusieurs possibilités, du tactile, de la pression, du glissement pour agir interactivement avec les fréquences, les enveloppes, le rythme.  Et c'est diablement puissant. Avec mon ancien Ems Synthi Aks, j'avais aimé le joystick  (que je retrouve sur l'Origin Arturia) afin d'agir en temps réel sur l'évolution d'une séquence, mais là, la surface tactile est mille lieues en terme de contrôles multiples. C'est une autre philosophie, une autre galaxie. Enfin, toujours en découverte,  j'ai testé la sauvegarde des presets, une fonction inédite dans le monde des modulaires où à chaque fois, il faut recommencer à patcher. J'étais d'ailleurs toujours un peu dans cet esprit. Et puis, là, je découvre là aussi, un outil fantastique qui permet de sauvegarder les réglages autres que le câblage physique. Autant de sauvegardes (30) qui facilitent la vie et qui peuvent être aussi le point de départ de nouvelles explorations sonores.

Donc, en haut, une petite mise en bouche rythmique et ci-dessous, un Work in Progress sur un projet autour d'un extrait du poème Chant de Gilbert Desmée qui doit être publié dans les semaines à venir. Je voulais voir comment réagissait le Buchla sur une transformation de la voix avec un contrôle physique, qui offre aussi le plaisir du jeu, qui permet d'improviser dans une trame établie via les fréquences audio. Ce n'est qu'un début mais le fait de pouvoir contrôler tactilement la voix de Gilbert, avec le geste aussi me laisse entrevoir de multiples possibilités. Cela ouvre des perspectives de performances à venir.